Quand les utilisateurs garantissent vos licences à vie

Les abonnements à des applications sont toujours avantageux pour les éditeurs et beaucoup moins pour les consommateurs. Par petites sommes empilées, ils grignotent sournoisement votre salaire. Je privilégie les achats ponctuels, et bien évidemment, si c'est proposé par l'éditeur, l'achat d'une licence perpétuelle.

Quelques licences illimitées

Avant que les septiques ne s'esclaffent devant l’hypothétique longévité d'une licence à vie où "rien ne dure en ce bas monde", je tiens à citer quelques licences à date illimitée dont je bénéficie depuis bien longtemps :

FL Studio

J'ai acheté ce fabuleux logiciel de composition musicale en version Producer Edition il y a 20 ans pour 300 €. L'éditeur tient toujours ses engagements, me gratifiant d'importantes mises à jour, sans aucune restriction. Et croyez-moi, en 20 ans, le logiciel s'est vraiment métamorphosé.

pCloud

pCloud Licence à vie

Depuis une décennie, le cloud suisse fait payer l'espace de stockage une seule fois dans votre vie. J'ai opté pour la formule 500 Go à 200 €. Pour le moment, les engagements sont respectés et je ne vois pas de détérioration de service dans le temps.

DaVinci Resolve

DaVinci Relsolve Studio

DaVinci Resolve est un logiciel de montage vidéo professionnel extrêmement puissant. Il est notamment utilisé pour faire le montage de nombreux films à Hollywood. Du chutier à l'export, son interface chronologique gère habillement toutes les étapes du montage. Le logiciel connait un grand succès grâce à sa version gratuite, très peu bridée. Ce miracle est dû au fait que l'éditeur australien Blackmagic gagne ses revenus en vendant également du matériel de cinéma, notamment des tables de montage et des caméras.

La version payante, DaVinci Relsolve Studio, coûte 330 €. Elle possède son propre moteur d'encodage et de décodage ainsi que des effets puissants aidés par l'intelligence artificielle. On dit que son point fort est l'étalonnage, mais c'est mal connaître DaVinci Relsolve qui a bien plus d'atouts.

Pour le moment, Blackmagic offre toutes les mises à jour de son logiciel. L'entreprise n'a jamais déclaré clairement de "lifetime licence" en se réservant le droit de changer de politique.

WPS Office

WPS Office

Suite bureautique complète "made in China", achetée il y a 7 ans en lifetime licence pour 79.99 €. Les mises à jour sont régulières. Je précise que l'offre lifetime n'est plus proposée mais néanmoins respectée pour ceux qui l'avaient achetée.

PureBasic

PureBasic

Compilateur Basic de Fantaisie Software, acheté il y a 20 ans pour 60 €. Je profite encore des mises à jours régulières de ce compilateur multi-plateformes.

PowerArchiver

PowerArchiver

Acheté il y a 20 ans pour 25 €. Je bénéficie toujours des mises à jour de cet excellent gestionnaire d'archives signé ConeXware gérant les formats ZIP, ISO, LHA, RAR, etc.

Avada

Thème et builder WordPress, acheté en 2012 pour 60 €, et toujours mis à jour. Depuis 2012, tous les modèles de sites ont été modernisés.

Il y a aussi Affinity Photo et Affinity Designer qui proposent des licences universelles à 75 €.

Des plans toujours sans accrocs ?

J'ai connu une déconvenue avec la licence illimitée de Filmora dont je profitais depuis 2015, arrêtée en décembre 2022, puis finalement restituée en janvier 2023.

Le consommateur "avisé" vous dira donc qu'il est naïf de croire aux licences à vie, et qu'un jour ou l'autre, les éditeurs trahiront leurs engagements. Mais la donne pourrait changer grâce aux réseaux sociaux permettant aux utilisateurs lésés de faire entendre un mécontentement groupé.

Mises à jour gratuites à vie pour Wondershare Filmora

Commercialisé depuis 2012, Wondershare Filmora est un logiciel de montage vidéo particulièrement bien conçu, ciblant les vidéastes amateurs jusqu'aux semi-professionnels. Son interface très épurée possède toutes les options indispensables à un montage sérieux. Très utilisé par les Youtubeurs, le logiciel importe et exporte dans de nombreux formats spécifiques aux réseaux sociaux. L'interface épurée et l'expérience utilisateur sont quasi parfaites, le montage tellement fluide et intuitif qu'on ne consulte que très rarement la documentation. De plus, Filmora fonctionne sur des petites configurations, là où d'autres logiciels professionnels comme Adobe Premiere exigent un hardware toujours plus musclé.
Son succès exponentiel sur cette dernière décennie est largement mérité et le logiciel n'a jamais cessé de s'améliorer en proposant des mises à jour régulières.

Dès le début de sa commercialisation, Wondershare proposait l'option Mise à jour gratuite à vie comme indiqué ci-dessous. J'ai moi-même fait l'acquisition de Filmora 7, en 2015, pour 39.99 €.

Source : Web Archive de juillet 2015

Cette licence garantissait clairement de bénéficier des futures versions gratuitement. Voici une capture des informations de ma licence actuelle. On peut y voir : Date d'expiration : Plan illimité, Mise à niveau gratuite.

Au fil des années, Wondershare a tenu ses engagements et m'a permis de passer successivement de la version 7 jusqu'à la version 11. Le logiciel de montage s'améliorait beaucoup, au point que je culpabilisais presque de profiter des mises à jour pour une si petite mise de départ. Mais à la fin de l'année 2022, l'éditeur a brusquement changé de stratégie. Lors de la mise à jour vers la version 12, un message d'avertissement indiquait des coûts supplémentaires.

Pour passer à la version 12, les possesseurs d'une licence à date illimitée devaient payer 29,99 €. Et Wondershare de préciser que les futures versions seraient désormais payantes.

Filmora update lifetime

J'ai personnellement vécu cela comme une petite trahison, davantage déçu par la façon d'agir de l'éditeur que par la modique somme demandée. Question de principe.

L'influenceur qui fit plier Wondershare

En 2022, le youtubeur-rockeur au coeur tendre Daniel Batal qui avait dédié une grande partie de sa chaine à Filmora, publie une vidéo dénonçant les agissements de Wondershare. La chaine comptait alors plus de 200 000 abonnés, ce qui n'est pas négligeable dans la petite sphère du montage vidéo. Dans une vidéo très factuelle, bien documentée, extrêmement précise, Daniel Batal dénonce un abus de l'éditeur jouant sur les mots "update" et "upgrade" pour contraindre les utilisateurs à s’asseoir sur leur licence à date illimitée. Il identifie également quelques dissimulations révélées par le site Web Archive. L'audience de la vidéo explose, soutenue par des milliers d'utilisateurs. S’ensuivent d'autres vidéos où Daniel Batal dénonce une tentative d'intimidation de l'éditeur essayant de faire fermer sa chaine. Mais YouTube, ne voyant aucune illégalité ni calomnie, le laisse s'exprimer.

Les choses s’enflamment quand le très populaire Linus Tech Tips, comptant 11 millions d'abonnés à l'époque, relaie l'info et commente avec ironie les appellations "update" et "upgrade".

C'en est trop pour Wondershare qui fait machine arrière. En une petite semaine, sans procès et longue procédure administrative, les utilisateurs ont obtenu gain de cause. La mise à jour vers la version 12 est naturellement proposée aux utilisateurs possédant une licence avec mise à jour gratuite à vie.

Désormais, lorsqu'on passe de la version 11 à la version 12, Filmora affiche "Puisque vous disposez déjà du forfait permanent de Filmora, vous pouvez désormais effectuer une mise à niveau gratuite vers Filmora 12" :

Pour les nouveaux acheteurs, Wondershare propose encore un plan perpétuel, mais ce plan se limitera aux mises à jour de la version achetée. Par exemple, si vous avez la version 13, vous aurez droit à la version 13.5. Mais vous n'aurez pas droit à la version 14.

Bien entendu, l'éditeur a le droit de ne plus vendre de licences à vie pour des raisons financières que l'on comprend. C'est d'ailleurs le cas de la suite bureautique WPS mentionnée plus haut.

Et en ce qui concerne les anciens acheteurs possédant une licence à vie, Wondershare leur permet de profiter de toutes les mises à jour. Je viens effectivement de passer de la version 12 à la version 13 sans problème.

Plan à vie

Même si Wondershare a rectifié les choses, Daniel Batal a maintenant jeté son dévolu sur DaVinci Resolve et y consacre une bonne partie de sa chaine. Le logiciel est certes plus compliqué à manier, mais tellement plus puissant.

Personnellement, j'utilise encore un peu Filmora qui reste, pour mon usage, le logiciel de montage idéal à l'ergonomie parfaite. Les mises à jours sont désormais gratuites - merci Daniel ^^ - mais un parfum d'amertume s'est désormais installé.

Je suis sans doute un peu idéaliste. Dans toute oeuvre, j'aime imaginer que les créateurs forment une équipe sympa, défendant de belles valeurs. Volontairement optimiste dans un monde capitaliste désespérant, je trouve normal qu'une entreprise fasse son chiffre pour payer correctement ses salariés, mais à partir du moment où une entreprise est rentable, pourquoi gagner encore plus au détriment des utilisateurs ? A mon avis, ce qui mine le système, c'est cette éternelle tentation de vouloir gagner encore plus.

Je me tourne désormais vers deux autres logiciels : Kdenlive, logiciel de montage open source très puissant mais bien moins ergonomique que Filmora, et le flamboyant mais complexe DaVinci Resolve.

Le 25 avril 2023, comme en témoigne cette capture d'écran, je veux installer DaVinci Resolve, je tape "davinci resolve" dans Google :

Dans le résultat de recherche, le premier lien sponsorisé oriente vers Filmora. Ce qui signifie que Wondershare a acheté les mots clés "DaVinci Resolve" pour réorienter les utilisateurs vers Filmora.

Le 21 août 2023, comme en témoigne cette capture d'écran, je veux installer Kdenlive, je tape "kdenlive" dans Google :

Le premier lien sponsorisé oriente à nouveau vers Filmora. Ce qui signifie que Wondershare a acheté le mot clé "Kdenlive" pour réorienter les utilisateurs vers Filmora.

Je vous laisse tirer les conclusions qui s'imposent quand à l'esprit conquérant de l'entreprise. De mon côté, j'ai acheté la version "Studio" de DaVinci Resolve que j'ai eu envie de soutenir. Elle coûte 330 €. Est-ce un tarif unique et perpétuel ? l'avenir le dira...

Conclusion

Le concept de licence à vie me semble légalement fragile pour de multiples raisons. Il y aura toujours un moyen pour un éditeur de raccourcir la durée des licences. D'autre part, une entreprise n'est pas éternelle et peut fermer suite à des difficultés financières. La solidité de ces licences ne réside pas dans son cadre juridique, mais plutôt dans l'engagement moral de l'éditeur devant les utilisateurs.
Pour stopper une éventuelle perte de revenus, les éditeurs sont évidemment libres de ne plus vendre de licences à vie, mais ils devront respecter leurs engagements pour celles qu'ils ont déjà vendues afin ne pas déclencher la colère des utilisateurs qui pourront faire entendre un mécontentement amplifié dans les réseaux sociaux et faire une très mauvaise publicité.

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